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Veille juridique Inf’OGM du 15 avril au 5 mai 2025

Par Denis MESHAKA

Publié le 05/05/2025

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FRANCE

Publication du décret sur les VRTH

Le 15 avril, le décret relatif à la « modification de la liste des techniques d’obtention d’organismes génétiquement modifiés ayant fait l’objet d’une utilisation traditionnelle et dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps » selon l’article D. 531-2 du Code de l’environnement a été publié au Journal officiel. Au premier alinéa de l’article, après les mots « comme donnant lieu à une modification génétique », sont insérés les mots : « ou qui ont fait l’objet d’une utilisation traditionnelle et dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps » et au 2ème alinéa est ajouté le mot « aléatoire » après « mutagenèse ».

Le gouvernement n’a donc pas suivi l’avis de l’Anses, recommandant, par « rigueur scientifique », de ne pas inclure les termes « dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps » pour qualifier les techniques énumérées par l’article D. 531-2. L’Anses suggérait plutôt d’utiliser la formulation « sans qu’un effet négatif notable pour la santé ou l’environnement lié à leur utilisation n’ait été mis en évidence à ce jour » (voir Veille juridique Inf’OGM du 3 février au 24 février 2025). Comme exposé par Inf’OGM, cet avis repose toutefois sur une lecture paradoxale de décisions de justice qui fournissent pourtant une réponse claire : les OGM obtenus au moyen de techniques de mutagénèse qui génèrent des modifications génétiques différentes de celles qui résultent de techniques de mutagenèses traditionnelles sont des OGM devant être réglementés.

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Relance du dialogue entre l’OFB et les acteurs agricoles

Le 16 avril, le ministère de l’Agriculture a annoncé dix mesures pour rétablir le dialogue entre l’Office français de la biodiversité (OFB) et les agriculteurs, dans un contexte de tensions croissantes sur les contrôles environnementaux. Parmi ces mesures : déploiement du port d’arme discret pour l’ensemble des contrôles administratifs programmés, habilitation des inspecteurs de l’environnement à mettre en place le port de la caméra individuelle, mise en place d’une adresse électronique pour signaler les contrôles problématiques, généralisation des formations des inspecteurs de l’environnement aux enjeux agricoles et des agents de développement des Chambres d’agriculture aux enjeux de biodiversité.

Ces annonces ne sont globalement pas bien accueillies par les syndicats de l’OFB, qui les jugent néfastes à l’encontre du droit de l’environnement et estiment les concessions au monde agricole trop nombreuses. « Il n’y a pas de choses demandées au monde de l’agriculture, c’est très asymétrique alors que l’OFB n’est pas du tout en faux », affirme Vincent Vauclin, co-secrétaire adjoint du syndicat CGT Environnement. Le syndicaliste ajoute : « Les agents font leur métier, ne ciblent pas spécialement le monde agricole, ont des obligations de constat des infractions quels que soient les contrevenants éventuels… Et les agriculteurs n’ont jamais été capables de dire et de montrer que tel contrôle avait été conduit de manière inappropriée ou fautive de la part des agents ». L’intersyndicale de l’OFB demande également au gouvernement de préserver les moyens humains et financiers attribués à l’établissement pour 2025.

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Question parlementaire « Interdiction du glyphosate, les vies valent plus que les profits de Bayer ! »

> Question 6171 de Mathilde Hignet (Groupe LFI-NFP, 4e circonscription Ille-et-Vilaine) – publiée au JO le 22/04/2025 :

« Mme Mathilde Hignet rappelle à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire que le Président de la République Emmanuel Macron s’est engagé en 2017 à ce que le glyphosate soit interdit en France au plus tard dans les 3 ans. À L’époque les 27 pays européens avaient alors voté le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour 5 ans. La France avait alors voté contre. Fin 2023 ; lors d’un nouveau vote européen sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, la France s’est cette fois-ci abstenue, reniant l’engagement initial du président Macron. Pourtant en 2018 le centre international de recherche contre le cancer a classé le glyphosate comme probablement cancérigène pour l’homme. L’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) affirme quant à lui que le glyphosate est un perturbateur endocrinien qui a donc un impact sur la fonction de reproduction. À rebours, le rapport de renouvellement du glyphosate émanant des états européens rapporteurs au moment du vote, conclut que le glyphosate n’est pas génotoxique. Ce rapport est cependant biaisé pour plusieurs raisons. Il ne s’appuie que sur des études provenant d’industriels. Il ignore les failles des études fournies par ces industriels. Les données disponibles reposent sur un seul type de test, peu fiable. Enfin certaines données n’ont pas été prises en compte et les critères de classification comme génotoxique sont trop contraignants. Ainsi alors que de nombreuses études prouvent la génotoxicité du glyphosate, elles sont ignorées par les autorités pour permettre le renouvellement de l’autorisation de cette substance dangereuse pour la santé humaine. Les cas de maladies liées à l’usage du glyphosate ne manquent pas. En Isère, une famille attaque en justice Bayer pour avoir camouflé la dangerosité de l’herbicide et être responsable des malformations de leur fils exposé in utero au glyphosate. En décembre 2022, Bayer Monsanto a déjà été condamné par la justice française pour intoxication à l’herbicide Lasso. En 2024 la justice américaine a condamné Bayer à verser 2,25 milliards de dollars à un homme atteint d’un cancer du système lymphatique. Le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest est une association qui existe depuis 2015. En 10 ans elle a accompagné 410 personnes, pour la grande majorité des paysans, mais aussi des salariés de coopératives, employés d’espaces verts, paysagistes… autant de professions exposées aux pesticides. En 10 ans, 217 maladies professionnelles ont été reconnues comme liées à l’usage des pesticides. La maladie de Parkinson représente 40 % des personnes reconnues. La réalité que les rapports instrumentalisés ne pourront jamais cacher est ainsi : le glyphosate et les pesticides rendent malades et tuent. Combien de morts faudra-t-il pour qu’enfin le glyphosate soit interdit en France puis en Europe ? Combien de malades devront continuer à payer de leur vie pour que Bayer continue à s’enrichir au mépris de leur vie ? Aussi, elle lui demande de respecter l’engagement pris par le président Macron en 2017 et d’interdire le glyphosate en France sans délais ».

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Rapport de l’OPECST sur technologies et agriculture

Le 3 avril, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) composé d’une trentaine de députés et sénateurs a publié un rapport intitulé « L’agriculture face au réchauffement climatique et aux pertes de biodiversité : les apports de la science ». Ce rapport est le résultat d’une audition publique organisée par l’OPECST et regroupant différents profils d’intervenants scientifiques, économistes, agriculteurs… L’objectif de l’Office est de « dresser un état des lieux des avancées scientifiques susceptibles de favoriser une agriculture adaptée au changement climatique et respectueuse de la biodiversité » et « s’intéresser aux modifications à apporter au système de production pour garantir l’efficacité de ces avancées scientifiques ».

Les recommandations émises par l’OPECST traduisent une approche plutôt « technocentrée » du développement agricole. En témoigne la première recommandation qui vise à « Faire évoluer la réglementation pour faciliter l’homologation des innovations technologiques plus respectueuses de l’environnement où le développement d’innovations technologiques », sans pour autant préciser ce qui est entendu par « innovations technologiques ». Une autre parle de « Renforcer l’efficacité des outils génétiques pour sélectionner des animaux plus résistants aux maladies en connectant les bases génétiques avec les bases sanitaires ». Le rapport n’aborde pas la question des risques associés aux nouveaux OGM, ni leur acceptabilité sociale, et ignore en outre le sujet de l’accès aux ressources génétiques. Ce manque de vision systémique fragilise la portée de ce rapport, alors même que la transition agroécologique exige des politiques équilibrées, ambitieuses, et réellement protectrices de l’environnement et de l’agriculture.

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Réponse à question parlementaire sur l’utilisation des variétés tolérantes aux herbicides pour les cultures d’oléoprotéagineux

> Question n°00832 de Jean-Gérard Pommier (Les Républicains, Indre-et-Loire) publiée au JO Sénat le 03/10/2024 :

« M. Jean-Gérard Paumier appelle l’attention de Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les enjeux liés à l’utilisation des variétés tolérantes aux herbicides (VTH) pour les cultures d’oléoprotéagineux, notamment celle du tournesol.

L’actualité passante ne doit pas nous faire oublier la détresse des agriculteurs face aux difficultés de production en France. Ainsi, les agriculteurs doivent faire face à de nombreuses difficultés pour contrôler la pression d’adventices comme l’ambroisie, dans leur production de tournesol. Celles-ci entraînent des pertes conséquentes sur les rendements, sur la qualité des récoltes et remettent en cause la pérennité de ces productions.

Une réponse à ces difficultés techniques de désherbage a été apportée il y a plusieurs années par l’autorisation des variétés tolérantes aux herbicides (VTH) ; des VTH qui ont montré tout leur intérêt : économique (maintien des rendements), environnemental (moindre utilisation de produits phytosanitaires) et sociétal (gestion de l’ambroisie, plante invasive et allergène).

Les VTH ont ainsi permis de relancer la culture du tournesol dans les zones à forte pression ambroisie et font partie intégrante de la boite à outils des agriculteurs sur cette culture sans poser de problème environnemental. 

Or, la sur-réglementation française et européenne menacent. Les agriculteurs ont besoin d’un cadre réglementaire clair et sans aucune ambiguïté pour pouvoir utiliser ces VTH sereinement. Alors que l’on parle de réarmement économique et agricole et que la question des souverainetés s’impose à travers différents plans gouvernementaux, les agriculteurs doivent avoir toutes les solutions nécessaires pour maintenir leurs rendements et garantir une production de qualité.

Aussi, face à ce risque de sur-réglementation des VTH, il interroge le Gouvernement sur la manière qu’il envisage pour garantir concrètement une utilisation des VTH, sans ajouter de la complexité administrative ».

> Réponse du Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée au JO Sénat le 10/04/2025 :

« Les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) ont fait l’objet d’un contentieux engagé par la confédération paysanne et d’autres organisations. Par des décisions du 7 février 2020 et du 8 novembre 2021, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en matière de risques liés aux VRTH et de demander à la Commission européenne à être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH issues de la mutagénèse utilisées en France. En effet, dans un avis de novembre 2019, l’Anses a mis en évidence des risques de développement de résistances des adventices aux herbicides et d’augmentation de l’utilisation d’herbicides et a recommandé différentes études et actions afin de disposer de données pour pouvoir conduire une évaluation a posteriori des risques sanitaires, environnementaux et agronomiques liées aux cultures des VRTH. Pour répondre à ces injonctions, le Gouvernement a adressé à la Commission européenne une demande à être autorisé à prescrire des conditions appropriées de culture des VRTH de tournesol issues de mutagénèse, afin notamment de réduire le risque de développement d’adventices résistantes. Les conditions de culture envisagées pour les VRTH de tournesol issues de mutagénèse portent sur des pratiques agronomiques et les successions culturales. La Commission européenne n’a pas encore répondu à cette demande. Dans une nouvelle décision rendue le 23 octobre 2024 sur l’exécution des injonctions précédentes, le Conseil d’État a condamné l’État à une astreinte de 50 000 euros en liquidation provisoire pour ne pas avoir mis en œuvre dans les délais requis des mesures permettant d’assurer la traçabilité de l’usage des semences de VRTH. Ce cadre de traçabilité est amené à être précisé sous peu, afin de respecter au mieux les injonctions du Conseil d’État, sans contraindre à des déclarations disproportionnées de la part des agriculteurs qui y auraient recours ».

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INTERNATIONAL

Compatibilité du règlement NTG avec le Protocole de Carthagène

Le 22 avril, une étude juridique publiée par le gouvernement allemand a analysé la compatibilité du projet de règlement européen sur les nouvelles techniques de modification génomique (NTG) avec le Protocole de Carthagène sur la biosécurité. Cette étude conclut que la proposition européenne est incompatible avec les exigences du Protocole, notamment en matière d’évaluation rigoureuse des risques, de transparence et d’information préalable obligatoire pour les organismes issus de nouvelles techniques génomiques.

Cette reconnaissance officielle par un État membre important comme l’Allemagne renforce le poids des critiques internationales contre la déréglementation des NTG. Elle expose aussi l’Union européenne à un risque juridique majeur sur la scène internationale, notamment lors de futures négociations sur la biosécurité agricole. Toutefois, il est difficile à ce stade d’évaluer l’impact concret de cette étude sur les négociations actuellement en cours au trilogue entre la Commission, le Parlement et le Conseil. Lors du dernier vote du Conseil, l’Allemagne s’était abstenue sur le projet de règlement NTG, traduisant une certaine prudence politique, mais aussi des divisions internes. L’influence réelle de cette analyse juridique sur la position finale allemande et sur l’issue des négociations reste donc incertaine.

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