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Des organisations françaises inquiètes d’une déréglementation des OGM
Alors que le trilogue sur la proposition de déréglementation des OGM a débuté le 6 mai entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil des États membres de l’Union européenne, des organisations françaises alertent de nouveau sur les potentielles « conséquences graves et irréversibles de ce texte ».
De son côté, Alternatiba Rennes, signataire de cette tribune, a mené une action dans l’espace public.

Le 5 mai dernier, à la veille du début du trilogue qui va discuter d’une proposition de déréglementation de nombreux OGM, visant à les exempter des règles actuellement en vigueur dans l’UE, une vingtaine d’organisationsi ont publié une tribune collective dans les colonnes de Politisii. Rappelant qu’elles ont déjà alerté le gouvernement français et les institutions européennes à de nombreuses reprises, elles estiment que leurs « interrogations et inquiétudes n’ont à ce jour reçu aucune réponse satisfaisante ». Concentration du marché semencier à cause des brevets, perte de souveraineté alimentaire, absence d’évaluation des risques, disparition du droit à l’information et à la liberté de choix pour les citoyens et citoyennes, du droit de produire sans OGM, mise en danger des filières sans OGM et biologiques… sont quelques-uns des impacts notables listés par les organisations signataires.
La question des brevets comme point central
Pour la plupart, les organisations à l’origine de cette tribune française étaient également signataires de la déclaration européenne du 11 février dernieriii, qui avait rassemblé plus de 200 ONG, syndicats et associations. Comme il y a 3 mois, les signataires rappellent qu’alors que les institutions européennes font preuve d’une certaine précipitation pour aboutir à un texte final, « la question épineuse des brevets constitue un point central des négociations, et [qu’] aucune réponse suffisante n’y a été apportée ».
Dans leur argumentaire, les organisations soulignent qu’en « l’absence d’obligation de publication des méthodes de détection et d’identification de ces nouveaux OGM brevetés […], ils contamineront la filière agroalimentaire et lui feront courir des risques majeurs :
- L’impact sur l’intégrité des filières sans OGM et biologique qui ne pourront plus garantir l’absence d’OGM ;
- L’extension de la portée des brevets aux semences paysannes ou conventionnelles contaminées par un gène breveté par un procédé NTG ou contenant naturellement un gène abusivement déclaré semblable à ce gène breveté ;
- L’incertitude juridique pour les agriculteurs, sélectionneurs, transformateurs, et distributeurs qui n’auront aucun moyen de savoir s’ils ont utilisé ou commercialisé des gènes brevetés pouvant entraîner des poursuites judiciaires et menaçant la poursuite de leur activité ;
- La perte de diversité dans l’offre alimentaire proposée aux citoyens, et la fin de leur liberté de choix du fait de l’absence d’étiquetage ;
- La réduction de la biodiversité cultivée et les déséquilibres écologiques liés à la dissémination incontrôlée de ces “nouveaux” OGM dans l’environnement ;
- La perte de souveraineté alimentaire via le renforcement de l’emprise déjà étouffante des multinationales sur nos systèmes agroalimentaires ».
Déconstruire les fausses promesses des « nouveaux OGM »
Loin de croire aux annonces prometteuses des promoteurs des « nouveaux OGM », les signataires rejettent d’emblée l’argument de « durabilité » avancé par les multinationales de la semence. Cela s’explique tout d’abord par une réalité agronomique : « aucune plante ne peut être durable en tant que telle. Seule la globalité d’un système agricole peut présenter une certaine durabilité, reposant sur des facteurs diversifiés sur lesquels les manipulations génétiques n’ont aucune prise : pratiques agricoles, conditions climatiques locales, qualité du sol, présence de pollinisateurs, biodiversité… ».
Ensuite, en prenant en compte « le recul de 30 ans sur les fausses promesses de l’industrie concernant les premiers OGM », les signataires affirment qu’une très grande majorité a été développée afin de résister à des herbicides ou produire des insecticides. Si l’on en croit les rares variétés déjà développées et cultivées en Amériques, les « nouveaux OGM » poursuivent cette même logique de fuite en avant vers une agriculture industrielle à grand renforts d’intrants chimiques et de biotechnologies. Pour le collectif publiant la tribune, « c’est la preuve qu’ils ne sont pas durables ».
Face aux risques évoqués, et pour l’heure ignorés, les organisations signataires demandent donc « aux institutions européennes de maintenir les dispositifs indispensables à la protection des agriculteurs, filières, citoyens et de l’environnement : évaluation des risques au préalable, traçabilité et étiquetage jusqu’au consommateur, obligation de publier les méthodes de détection et d’identification, clause de sauvegarde, suivi post-commercialisation ».
Alternatiba se mobilise aussi dans l’espace public
Signataire de la tribune précédemment évoquée, le collectif Alternatiba s’est également mobilisé dans les rues de Rennes. Le vendredi 25 avril, des membres de l’organisation ont mené « une action de désobéissance civile en investissant des panneaux publicitaires du centre-ville pour avertir le grand public quant à la possible dérégulation à venir des plantes OGM »iv. Mais l’objectif était « également d’avoir des éléments de communication pour envoyer aux médias », qu’Alternatiba trouve « bien discrets sur le sujet ».






Dans son communiqué de presse, Alternatiba commence par rendre hommage aux militants s’étant « battus » pour obtenir « la réglementation la plus stricte du monde sur les OGM (Directive 2001/18/CE) » et dont l’héritage est menacé suite à l’adoption du « projet de règlement du 5 juillet 2023 de la Commission Européenne sur la dérégulation des Nouvelles Techniques Génomiques (NTG) », qui est désormais en négociation au trilogue depuis le 6 mai. Pour Alternatiba, « en plus de bafouer le principe de précaution », cette déréglementation des OGM « priverait les consommateur.ice.s de leur liberté de manger ce qu’ils et elles veulent ». La dissémination libre et incontrôlée d’OGM entraînerait également des « dangers de contamination irréversible pour la biodiversité sauvage et cultivée et ainsi une sérieuse menace pour l’agriculture sans OGM » et étendrait encore plus le monopole de quelques multinationales semencières sous couvert de « fausses promesses d’adaptation au changement climatique ». Et les membres d’Alternatiba de conclure qu’on fait là face à une exemple criant du « sinistre tournant de l’agriculture qu’Emmanuel Macron ambitionne « robotique, numérique et génétique » ».
Bien qu’une déréglementation de la grande majorité des OGM pèse sur l’UE avec le début des négociations en trilogue, des organisations de la société civile tentent donc encore d’alerter et de visibiliser les risques que cela engendrerait…
i Agir pour l’environnement, Alternatiba Rennes, Amis de la Terre France, Aspro Pnpp, Bio Consom’acteurs, Collectif Objectif Zéro OGM, Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Confédération paysanne, CSFV49, Demeter France, Fédération Nature & Progrès, Foll’avoine, France Nature Environnement, Générations Futures, IFOAM-France, Mouvement de l’Agriculture Biodynamique (MBAD), OGM Dangers, Objectif Zéro OGM (OZO), POLLINIS, Réseau Semences Paysannes, Synabio.
ii Tribune collective, « Nouveaux OGM : fausses promesses, vrais risques et précipitation coupable », Politis, 5 mai 2025.
iii Déclaration commune, « Protéger l’activité des petits et moyens sélectionneurs, des agriculteurs et des secteurs biologiques et non OGM dans l’UE », 11 février 2025.
Antoine Vépierre, « En 2025, toujours plus d’organisations opposées à la déréglementation des OGM », Inf’OGM, 6 mars 2025.
iv Alternatiba Rennes, « Alternatiba Rennes se mobilise contre le projet de dérégulation des « nouveaux
OGM » », 28 avril 2025.