n°178 – janvier / mars 2025

Plantes, bactéries, virus, animaux OGM… tous déréglementables ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 01/01/2025, modifié le 08/04/2025

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Le débat en cours sur la déréglementation des OGM ne concerne pas que les plantes. La Commission européenne a proposé, en avril 2023, de déréglementer partiellement des micro-organismes, champignons ou virus OGM utilisés en médecine. Pour les micro-organismes OGM destinés à l’agriculture, par exemple comme produits phytosanitaires appliqués dans l’environnement, des multinationales et le Parlement européen demandent qu’un projet de déréglementation soit étudié. Les animaux OGM pourraient suivre.

Lorsque la Commission européenne propose, le 5 juillet 2023, de déréglementer les OGM, elle précise que seules les plantes seraient concernées. Elle propose même d’écrire officiellement que cette déréglementation ne concerne pas des « micro-organismes, des champignons et des animaux pour lesquels les connaissances [sur l’innocuité] disponibles sont plus limitées ». Mais elle ne mentionne pas que des micro-organismes (du domaine des algues) sont déjà concernés et que, pour les autres, elle a préparé le terrain pour une possible future déréglementation, comme lui demandent déjà certaines multinationales. Elle ne rappelle pas plus avoir déjà formulé une déréglementation partielle pour certains micro-organismes GM utilisés en pharmacie.

Détourner l’attention avec les plantes

Le projet de déréglementation le plus visible est évidemment celui concernant les plantes OGM/NTG. Formulé en juillet 2023 par la Commission européenne, la proposition initiale était complète : fin de l’évaluation des risques, fin des autorisations de commercialisation ou d’essai en champ, fin de l’étiquetage, fin de la traçabilité, fin des mesures nationales permettant d’interdire la culture d’OGM/NTG et fin de la surveillance environnementale. Si, en février 2024, le Parlement européen a adopté sa propre version composée de formulations bancales, le Conseil de l’Union européenne n’a, lui, toujours pas pu s’accorder sur une position commune, la faute à de trop nombreux points de divergences entre les États membres. Parmi les points discutés au cours de l’année 2024 se trouvait la théorique incapacité à différencier les plantes OGM de plantes conventionnelles si, dans le même temps, elles doivent continuer de faire l’objet de brevets pour raison de nouveauté. Autre sujet : les consommateurs, transformateurs, distributeurs… qui doivent continuer à être informés de la nature des produits via un étiquetage.

Déréglementer les MGM issus des nouvelles techniques ?

Depuis 2022, certaines entreprises suggèrent que la déréglementation envisagée pour les plantes OGM/NTG soit également déclinée pour les micro-organismes génétiquement modifiés (MGM). Certains de ces micro-organismes font d’ores et déjà partie du projet de déréglementation de la Commission européenne (parmi les algues), mais les groupes de pression, EuropaBio, l’Association des fabricants et formulateurs de produits enzymatiques (Amfep) ou l’Association européenne des producteurs et livreurs d’ingrédients et leurs mélanges en nutrition animale (Fefana), verraient d’un bon œil que tous le soient. Une telle demande des multinationales a finalement trouvé un écho politique du côté du Parlement européen. Le 7 février 2024, le texte voté par les eurodéputés mentionne subrepticement les micro-organismes en estimant que « les connaissances disponibles sur d’autres organismes, tels que les micro-organismes, […] devraient être examinées aux fins de futures initiatives législatives les concernant ».

La déréglementation de micro-organismes transgéniques également envisagée

Les virus, bactéries ou autres champignons génétiquement modifiés par de nouvelles techniques (NTG) pourraient ne pas être les seuls à être déréglementés. Les micro-organismes transgéniques, eux aussi, pourraient l’être ou, pour être plus précis, les séquences génétiques de ces MGM transgéniques. Depuis 2021, les États membres discutent de la problématique des aliments « pour l’humain et les animaux résultant de la fermentation de micro-organismes GM en milieu confiné » ou, plus précisément, les lots d’aliments pour humains ou animaux contenant des traces d’ADN de MGM non-autorisés autrement qu’en milieu confiné. En février 2024, interrogée par Inf’OGM, la Commission européenne explicite plus clairement que « la question soulevée est de savoir si les produits obtenus par des procédés de fermentation [avec des MGM dans le cas présent] et contenant des traces d’ADN du MGM sont produits « à partir de » ou « à l’aide de » ». Une question aux enjeux importants, car si demain les lots contenant des traces d’ADN de MGM devaient être déclarés comme produit « à l’aide de », ils n’auraient plus à être étiquetés et retirés du marché. Les discussions sont toujours en cours.

Les MGM pharmaceutiques partiellement déréglementés

D’autres MGM que ceux appartenant au monde des algues sont également proposés à déréglementation depuis avril 2023. La CE a en effet déposé une ébauche de nouvelle directive, qui vise à déréglementer partiellement dans le domaine des médicaments, avec par exemple les virus OGM. Si le texte juridique est obscur pour les non initiés, des cabinets de conseil ont produit des analyses informatives. La proposition de la CE couvre les médicaments, dits « produits médicaux de thérapies géniques » « contenant des séquences d’acides nucléiques recombinantes ou des microorganismes ou des virus génétiquement modifiés », mais également « contenant des cellules génétiquement modifiées ». Le cabinet privé de conseils Covington estime que « la Commission européenne rationalise les règles applicables aux essais cliniques de médicaments consistant en des organismes génétiquement modifiés (« OGM ») ou en contenant ». Avec cette proposition, si, pour une demande d’autorisation commerciale, l’industrie devra fournir une évaluation des risques environnementaux, « en échange, la Commission exemptera les essais cliniques de nombreuses règles portant sur les OGM ».

Le cabinet de conseil Boyds écrit de son côté que la simplification proposée des procédures pour les essais cliniques consiste à ce qu’il « ne [soit] plus nécessaire de présenter des demandes nationales distinctes au titre des directives sur les OGM. Au lieu de cela, une demande unique sous la forme d’une évaluation des risques liés aux OGM serait soumise en même temps que la demande d’essai clinique en utilisant le même portail ». La proposition vise « à rationaliser l’inclusion de l’évaluation des risques liés aux OGM dans les demandes d’essais cliniques harmonisées ». Une sémantique qui signifie souvent de revoir à la baisse les évaluations aujourd’hui requises.

Des micro-organismes et virus utilisés comme produits de traitement des plantes

Les MGM utilisés comme produits de traitement des plantes sont également concernés par une autre proposition de règlement. Cette fois, il ne s’agit pas de déréglementation mais d’allonger de cinq années la durée des brevets délivrés sur ces MGM.

A nouveau, en avril 2023, la Commission a rendu publique une proposition de règlement 2023/0126 (COD) qui vise à prolonger d’un maximum de cinq années les droits liés à un brevet sur un produit phytosanitaire (dit « phytopharmaceutique » dans la proposition) : « les substances ou micro-organismes, y compris les virus » sont concernés par cette proposition ! Cette proposition de règlement confirme, pour qui en doutait, que les micro-organismes génétiquement modifiés (dont des virus) pourraient être considérés et utilisés comme produits de traitement des plantes. Ils seraient donc disséminés dans l’environnement dans le cadre de pratiques agricoles faisant le choix de les utiliser. Quand, le 7 février 2024, les eurodéputés demandent à ce qu’une initiative législative soit lancée en vue de les déréglementer, ils ouvrant la porte à la dissémination dans l’environnement de bactéries, levures et virus génétiquement modifiés pour les modèles agricoles faisant le choix de les utiliser, et pour ceux qui ne les utilisent pas.

Les animaux ne sont pas oubliés dans ce panorama de projets de déréglementation. L’amendement du considérant 9, voté le 7 février 2024, demande qu’un travail de déréglementation soit aussi initié pour les animaux. Le texte adopté par le Parlement européen demande en effet que « les connaissances disponibles sur d’autres organismes, tels que les micro-organismes, les champignons et les animaux, devraient être examinées aux fins de futures initiatives législatives les concernant ».

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